Les ados et l’actualité en question

Dix revues d’actu

Nous sommes partis à la rencontre des ados de Malakoff, du Port-Boyer, de Bellevue, du Bout des Pavés, de la Boissière, du Breil, du Clos-Toreau et de La Halvêque à Nantes pour recontextualiser et remettre en perspective l’actualité à travers dix revues d’actu, à découvrir ici.

En cette fin d’année 2020, l’actualité particulièrement anxiogène nécessite mises en perspectives, interroge ce qui fonde nos différences et convoque au passage les valeurs de la République, de celles qui font socle commun :

  • La laïcité tout comme la liberté d’expression après l’assassinat du professeur Samuel Paty.
  • L’ouverture à l’autre, le respect des croyances et de celles et ceux qui ne se reconnaissent dans aucune religion après la vague d’attentats qui a touché notre pays.
  • L’importance de nommer et de définir pour ne pas tomber dans les raccourcis faciles et les amalgames, entre terroriste et musulman par exemple. Ne pas céder à la peur face aux semeurs de haine.
  • Le discernement et le recul nécessaire face aux fausses informations qui déferlent sur les réseaux sociaux en réponse aux nombreuses questions soulevées par la pandémie mondiale notamment.

Nous avons choisi d’aller à la rencontre d’une quarantaine de jeunes sur l’ensemble des grands quartiers de Nantes et d’échanger avec eux sur ce qu’ils ont retenu de cette actualité chargée. Tous ont entre 10 et 16 ans et portent un regard singulier sur le monde. S’il n’est pas simple de faire la part des choses entre leurs ressentis et les faits, ils nous livrent leurs récits sur ce qui se joue aujourd’hui à leur manière et avec honnêteté.

Première session de notre série de podcasts.
Le 4 novembre 2020, nous rencontrons Nafi et Yasmine, 12 ans, habituées du Club ados de Malakoff.

Aux US, les américains votent pour leur futur président, l’enjeu est important.
En France, c’est la rentrée.
Le port du masque étendu aux enfants de plus de 6 ans fait débat.
Les vacances scolaires d’automne sont passées mais l’assassinat de Samuel Paty reste dans les mémoires. Au collège, les professeurs sont revenus sur ce que signifie la liberté d’expression et ont montré des caricatures.
Les filles se demandent comment les français vont faire la part des choses entre musulmans et terroristes après la série d’attentats perpétrés en France.
Elles reviennent également sur le boycott des produits français en Turquie et dans une bonne partie des pays arabes.

Deuxième session de notre série de podcasts.
Ce 4 novembre 2020, nous rencontrons également Hind, Anissa 12 ans et Basma 13 ans aux micros du Club ados de Malakoff.


L’empathie est forte pour ce que vivent les Ouïghours, réprimés et enfermés dans des camps de travail en Chine. Ce peuple turcophone à majorité musulmane sunnite habite la région autonome ouïghoure du Xinjiang, une région chinoise et en Asie centrale. Les réseaux sociaux ont pu sensibiliser de nombreux jeunes sur cette réalité.
En France, la série d’attentats a laissé place aux suspicions. Les filles expriment leurs peurs face aux amalgames entre musulmans et terroristes. Nous réinterrogeons ce que signifie tuer au nom d’une religion de paix.
Autre sujet d’actualité soulevant des questionnements pour les filles :
le projet de loi confortant les principes républicains dit « projet de loi contre le séparatisme ». Si la laïcité est ici en question, les filles craignent toujours d’être montrées du doigt de par leurs origines ou leur religion.
Enfin, l’assassinat du professeur Samuel Paty n’en demeure pas moins un fait marquant pour les ados. Nous débattons alors sur la possibilité ou non de rire de tout dans notre pays.

Troisième session de notre série de podcasts.
Ce 5 novembre 2020, nous rencontrons Nicolas et Anilove 12 ans, Anastase 14 ans autour des micros du Club ados du Port-Boyer.


Nous ouvrons ce podcast sur ce que représente pour chacun le fait d’être informé avant de revenir sur les privations de libertés liées au Covid 19, l’acceptation des mesures barrières et l’efficacité du couvre feu ou du confinement. Tous s’interrogent sur le fait de pouvoir obtenir la preuve de ce qui est avancé dans les médias ou sur les réseaux sociaux en cas de doute.
Dans un deuxième temps, les garçons ouvrent la discussion sur les sorties des jeux-vidéos -Among Us en tête- et des animés chers à leur équilibre mental.

Quatrième session de notre série de podcasts.
Ce 5 novembre 2020, nous rencontrons Youness et Valentin, 13 ans autour des micros du Club ados du Port-Boyer.

A la maison, Valentin et Youness ont l’habitude de s’informer sur BFM TV. Sur leurs téléphones, les storys d’Instagram relayent aussi les vidéos des médias Kombini et BRUT, des médias plus accessibles pour comprendre l’actualité. Une actualité marquée pour les garçons par l’attentat de Samuel Paty. Valentin se demande toujours si le professeur était une personne raciste. Dans le monde de Valentin, les méchants peuvent parfois être tués, leurs meurtres justifiés du fait de leur méchanceté. Nous rappelons la loi et la morale qui nous donne un cadre à tous. « Sinon, ce serait l’anarchie » conviennent les garçons ! Dans notre pays, le débat d’idées est donc permis et les limites, posées. Samuel Paty était aussi un professeur qui enseignait.

« Tu as regardé les caricatures ? » demande Valentin à Youness après la séance d’Enseignement Moral et Civique qui a suivi l’assassinat. L’image du prophète qui pleure et se dit « C’est dur d’être aimé par des cons » demeure une énigme. Youness a retenu qu’il ne s’agissait pas des musulmans mais a quand même un doute… Nous nous interrogeons sur ce qu’est une pensée radicale. Et quelles seraient les limites à la liberté d’expression ? Nous reposons également la question de la responsabilité des collégiens qui ont désigné le professeur au terroriste venu l’assassiner. « La vie a-t-elle une valeur ? ». « C’est comme si tu étais complice » analyse Youness avant de conclure « j’aurais toujours un truc bizarre dans mon cerveau, je me poserais des questions ! ».

Cinquième session de notre série de podcasts.
Ce 18 novembre 2020, Narimane, Coralie, Lou et Marwa, 16 ans, 13 ans et demi, 14 ans et 11 ans et demi se retrouvent au Club ados de Bellevue en compagnie de Fred, animateur ados.


Les filles reviennent sur leur perception de l’actualité, riche, mais parfois éloignée de leurs aspirations de collégiennes et lycéennes à « Debussy, Livet, La Durantière et Camus »!
Elles ont entendu parlé de mutilations sur des chevaux dans des centres équestres et tenté de mener l’enquête. La piste du Challenge façon bad buzz est retenu.
Autres sujets qui ont leur importance : « L’attaque des Titans » et autres animés japonais, les threads d’horreur repris par les Youtubeurs, Squeezie en tête, et le suspense lié aux élections aux Etats-Unis en cette fin novembre.
Autres incertitudes : la provenance du Covid 19 et son lot d’interprétations.
Entre fake news et ressentis, les avis sont partagés.

Sixième session de notre série de podcasts.
Ce 26 novembre 2020, nous rencontrons Thibault, 16 ans, lycéen croisé devant le Club ados du Bout des Pavés, heureux de revenir dans cet espace le temps d’un échange enrichi aux micros, en présence de Johanna, animatrice ados de Nantes nord.


Nous démarrons la discussion sur la période très particulière que nous vivons. La Covid 19 prend beaucoup de place dans l’actualité mais aussi dans nos vies et nos habitudes.
Nous choisissons de mettre en perspective la provenance du virus. Entre les théories diffusées par le film Hold Up et les thèses scientifiques avancées, Thibault nous partage le fruit de ses réflexions.
Conscient de l’importance des biais cognitifs, le jeune homme a pris pour habitude de questionner la provenance de l’information mais également les enjeux qui entourent cette même information.
Le contexte n’est jamais neutre. Tout comme les peurs.
La politique vaccinale européenne suscite également des questionnements. Nous échangeons sur ce qui nous conditionne. Tout comme sur la capacité de se projeter dans l’avenir.

Septième session de notre série de podcasts.
Ce 8 décembre 2020, nous avons rendez-vous au 38 rue du Breil où se tient l’aide aux devoirs. Nous faisons la connaissance de Wassim, 14 ans, scolarisé au collège de La Durantière.

Wassim aime jouer à Fifa et rêve de devenir footballeur professionnel, la célébrité en moins. Coutumier d’Instagram et de Tik Tok, le collégien tombe souvent sur des vidéos « au hasard ». Wassim a ses habitudes, le 19/45 sur M6 et BFM TV. A 10 ans, le jeune homme écoutait RTL avec sa maman et se souvient que la radio permet de suivre les informations dites « importantes ». Wassim a retenu en cette fin d’année 2020, « les assassinats » perpétrés par des terroristes à Nice et à Conflans-Sainte-Honorine.


Nous analysons les différences entre un féminicide – le meurtre d’une femme commis par son mari par exemple – comme dans l’affaire Daval (le procès est en cours ce 8 décembre 2020) et un acte terroriste. Et questionnons les motivations sordides des assassins et des terroristes. Et pourquoi les terroristes sèment la peur dans la tête des gens.
Dans la tête de Wassim, la nuit, les images violentes reviennent parfois en boucle et génèrent des cauchemars répétés. Nous rappelons combien il est nécessaire de parler, de ne pas taire et de se protéger des images violentes, banalisés sur les écrans mais dont l’impact sur notre psychisme est réel.

Huitième session de notre série de podcasts.
Ce 9 décembre 2020, nous échangeons à la Boissière avec Johanna et Louise, animatrices ados. Matthieu et Imran, 11 ans qui aiment les cascades, la cuisine japonaise et les glaces, ouvrent l’émission. Bientôt rejoins par Toufik, 14 ans, spécialiste du port du masque avec lunettes, Marwah, 15 ans, en sevrage d’information, Kalyssa 12 ans, fan d’animés et Mélania pour qui la liberté, c’est sacré !

Le lancement de la vaccination en Angleterre est une première actualité marquante pour les ados. La radio dans la voiture pour aller à l’école, le JT sur TF1, BFM TV avec les parents et les storys donnent à voir et à entendre un flux d’infos où le coronavirus l’emporte. Toufik ne veut pas rester là « comme ça sans rien savoir, sinon, on peut se perdre ! ». Etre informés aiderait à se situer donc et à ne pas perdre le fil des évènements. A ce titre, les discours d’Emmanuel Macron sont très suivis et commentés.

Outre, les rebondissements liés à la situation sanitaire, Toufik a regardé des extraits de l’interview du président de la République sur BRUT, un média qu’il affectionne pour ses choix d’invités. Marwah ne regarde plus la télévision depuis un mois « car il parlent toujours des mêmes choses ». Mélania aime être informée sur « les choses de la vie » et retient les vidéos qui interpellent sur la pollution plastique dans les océans notamment. L’occasion de sensibiliser ses parents sur le tri. Tik Tok, c’est aussi pratique pour s’informer « et voir le jour de demain ». De jour en jour, ça évolue ! Mélania alerte sur la sédentarité, les réseaux sociaux ne sont pas toujours bons pour la santé.

Neuvième session de notre série de podcasts.
Ce 16 décembre 2020, au Club ados du Clos Toreau, Imane 12 ans, Precious, Yassir, Amine, Christopher, Asmah, Alvaro, Karamba, Noé 13 ans, Dilay 16 ans, Sevilay et Yakha 13 ans sont en nombre aux micros pour décrypter avec nous les ressorts de l’information.

Karamba suit BFM TV et RMC sur Instagram, Christopher confesse : « je ne m’informe que quand c’est important. Quand Emmanuel Macron parle du Covid ! ». Imane est en alerte, les notifications tombent sur son téléphone. Au Clos Toreau, la situation sanitaire est au cœur des discussions. Fait marquant pour les ados du jour : le premier ministre, la veille, a parlé. Alvaro a retenu que « Jean Pastex a dit qu’on n’était pas obligé d’aller à l’école parce que c’est des jours pas très importants il a dit… ». Y’aurait-il un lien avec l’auto-isolement des familles qui le souhaiteraient à quelques jours des fêtes ? Quand même, le premier confinement a marqué les esprits, l’école en chair et en os s’impose. Dilay renvoie à cette situation hors norme où le plus difficile, « c’est de ne pas sortir comme avant pour voir ses amis ».

A l’heure des grands bouleversements, Instagram ouvre la fenêtre sur les injustices du monde : la mort de George Floyd aux Etats-Unis, l’enfermement des Ouïghours soumis au travail forcé par le régime chinois dans la région autonome du Xinjiang en premier lieu. Les vêtements et chaussures de grandes marques sont en majeur partie produits à base de coton récolté dans cette région par la communauté ouïghoure. Alors Dilay, Sevilay, Yakha, Noé et Imane s’interrogent et nous avec sur notre responsabilité en tant que consommateurs.

« Les consommateurs ont du sang sur les mains » : le travail forcé des Ouïghours derrière les articles « made in China » (francetvinfo.fr)

Dixième et dernière session de notre série de podcasts.
Ce 17 décembre 2020, nous enregistrons au Club ados de la Havêque avec autour de la table : Sanah, Rose-Marie, Antehene, Mohamed Ali 13 ans, Lamia 15 ans, Saleh 18 ans et Antoinette.

Samuel Paty ne méritait pas de mourir. Mais pour les ados présents, une question demeure en suspens… « On a le droit d’expliquer, de donner son avis mais là, c’était de la provocation… ». Le professeur alors même qu’il enseignait le programme a-t-il cherché des ennuis en montrant aux élèves des caricatures du prophète Mahomet ? « Oui, ça a fait polémique ! On en a parlé dans tous les collèges. » La parole est donnée, nous expliquons pourquoi Samuel Paty, le professeur assassiné par un terroriste le 16 octobre dernier, a montré à ses élèves ces dessins jugés « blessants ».

Tous ont entendu parler de la liberté d’expression et reconnaissent cette liberté. Concernant le droit au blasphème, c’est plus compliqué dans les esprits. Nous faisons le parallèle avec le Pakistan où les extrémistes religieux, les talibans présents dans ce pays mais également en Afghanistan, condamnent toute personne qui s’aviserait à critiquer la religion, à la peine de mort. En France, à contrario, la laïcité repose sur un principe fondamental : le respect des cultes et de toutes les religions. Cette liberté va de pair avec la liberté de critiquer les religions et celle de représenter des sujets ou des objets de vénération religieuse. Si l’on peut critiquer la religion en tant que telle, il est pour autant interdit de se moquer et d’insulter les croyants.

Pour la plupart des ados sollicités, « mieux vaut éviter de critiquer, de chercher des embrouilles ». Dès lors, la critique peut-elle être constructive ? Nous rappelons l’histoire de la France et la tradition de la caricature avant d’ouvrir sur les amalgames à l’œuvre parfois dans certains médias quand il s’agit de parler des personnes musulmanes.

Dans l’actualité de cette fin d’année, un fait nouveau retient également l’attention des jeunes. Emmanuel Macron est à l’isolement après avoir contracté la Covid 19. L’occasion de se demander s’il s’agit bien – comme certains l’affirment – d’une fake news. Alors même que nous échangeons sur des images circulant sur les réseaux alertant sur ce qui se passe au Congo, l’information une fois vérifiée en atteste : il n’y a pas de génocide en RDC ayant provoqué plusieurs millions de morts en cette fin d’année 2020:

Y a-t-il actuellement un génocide en RDC ayant déjà provoqué plusieurs millions de morts ? – Libération (liberation.fr)

En cas de doute, mieux vaut vérifier et croiser les sources !

Merci à Yassine Latrache pour ces dessins, aux animateurs ados pour leur accueil et à l’ensemble des jeunes interviewés pour leur confiance.

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